Codes d'équivalence thérapeutique de la FDA : comment la loi détermine la substituabilité des médicaments

Florent Delcourt

15 déc. 2025

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Quand un pharmacien vous remplace un médicament de marque par une version générique, il ne prend pas cette décision au hasard. Il suit une règle précise, écrite par la FDA et reconnue par la loi dans tous les États américains. Ce système, appelé codes d’équivalence thérapeutique (TE), détermine si deux médicaments - un de marque et un générique - peuvent être échangés sans risque pour la santé. Ce n’est pas une simple question de prix. C’est une question de science, de réglementation et de sécurité patient.

Comment la FDA décide qu’un générique est substituable

La FDA ne juge pas seulement si un générique contient la même molécule que le médicament de référence. Elle vérifie trois choses essentielles : la même composition chimique, la même forme posologique (comprimé, sirop, injection), et surtout, la même absorption dans le corps. C’est ce qu’on appelle la bioéquivalence. Si un générique montre qu’il libère la même quantité de principe actif au même rythme que le médicament de marque, il peut recevoir un code « A ».

Ce code est inscrit dans l’Orange Book, le livre officiel de la FDA publié chaque mois. Il contient plus de 14 000 médicaments évalués. Seuls les produits multisources - c’est-à-dire ceux fabriqués par plusieurs entreprises - sont listés. Les médicaments de marque seuls, ou les produits en développement, n’y figurent pas.

Le code « A » signifie : « substituable sans hésitation ». Le code « B » signifie : « non substituable pour l’instant ». Ce n’est pas une question d’efficacité globale, mais de certitude scientifique. Par exemple, un comprimé à libération immédiate avec un code « AA » est considéré comme parfaitement interchangeable. Un spray nasal ou une crème topique avec un code « BN » ou « BT » peut avoir des différences de performance que les études actuelles ne peuvent pas encore mesurer avec précision.

Les codes : une langue précise pour les pharmaciens

Le système de codes est plus complexe qu’il n’y paraît. Il combine une lettre et un chiffre pour décrire exactement la situation du produit.

  • AA : comprimés, gélules ou sirops à libération immédiate, bioéquivalence prouvée sans ambiguïté.
  • AB : produits qui ont eu des problèmes initiaux de bioéquivalence, mais qui ont été réévalués et approuvés par la suite.
  • BC : formes à libération prolongée, comme les comprimés à action lente. Leur évaluation est plus difficile, donc souvent classés en « B ».
  • BT : crèmes, pommades ou gels topiques. Les études montrent que même des différences minimes dans la formulation peuvent affecter l’absorption par la peau.
  • BN : systèmes d’aérosol ou nébuliseurs. Leur délivrance dépend de la taille des particules, de la pression, du contenant - autant de variables difficiles à standardiser.
  • BX : produits pour lesquels il n’existe pas assez de données pour juger de l’équivalence.

Les codes « AB1 », « AB2 », etc., sont utilisés quand plusieurs médicaments de référence existent pour la même molécule. Par exemple, un générique peut être bioéquivalent à l’un des deux médicaments de marque, mais pas à l’autre. Dans ce cas, il reçoit un code « AB1 » ou « AB2 » pour préciser à quel produit il correspond.

Deux bouteilles de médicaments avec des codes 'AA' et 'BT' flottent avec des symboles scientifiques lumineux.

La loi américaine fait de l’Orange Book une référence obligatoire

La FDA ne décide pas seule si un générique peut être substitué. Elle établit les critères scientifiques, mais c’est la loi de chaque État qui détermine si le pharmacien doit substituer, peut choisir de substituer, ou est interdit de substituer.

Les 50 États ont adopté des lois qui se réfèrent directement à l’Orange Book. En Californie, la loi exige que seul un médicament avec un code « A » puisse être substitué. En Floride, le pharmacien peut substituer un « A », mais doit en informer le patient. Dans certains États, comme le Texas, le médecin peut marquer « non substituable » sur l’ordonnance - et dans ce cas, la loi protège ce choix.

Cela signifie que le même médicament peut être substituable à New York et non substituable à l’autre bout du pays, si les lois locales diffèrent. Mais dans tous les cas, le pharmacien doit consulter l’Orange Book. C’est la seule source légale reconnue. Un pharmacien qui substitue un produit avec un code « B » sans autorisation légale s’expose à des poursuites.

Le poids économique et les batailles juridiques

Depuis 1995, les génériques avec code « A » ont permis d’économiser plus de 1,7 billion de dollars aux systèmes de santé américains. En 2022 seulement, ils ont généré 298 milliards de dollars d’économies - 97 % de tous les médicaments génériques distribués portaient un code « A ».

Pourtant, 24,3 % des produits dans l’Orange Book ont un code « B ». Ce sont souvent des médicaments complexes : inhalateurs, patchs transdermiques, solutions injectables stériles. Les fabricants de génériques peinent à prouver leur équivalence avec les méthodes traditionnelles. Les laboratoires de marque profitent de cette ambiguïté pour bloquer la concurrence. En 2022, la FDA a reçu 1 247 pétitions citoyennes - la plupart provenant de grandes entreprises de pharmacie - demandant de maintenir ou de révoquer des codes « A ».

Les pharmaciens le savent : 68 % d’entre eux hésitent à substituer des produits avec un code « BT » ou « BN », même si la FDA les a approuvés. Ils craignent des réactions imprévues chez les patients. Une étude de 2023 a montré que 42 % des pharmaciens indépendants trouvent les codes « B » trop techniques ou mal expliqués.

Des pages de l'Orange Book flottent dans une pièce magique, transformant les codes 'B' en 'A' sous une lumière dorée.

Le futur : réduire les codes « B » pour plus de substituabilité

La FDA a lancé en 2023 un programme appelé « Complex Generic Drug Initiative » pour réduire le nombre de produits en « B ». Son objectif : passer de 24,3 % à moins de 15 % d’ici 2027. Pour y parvenir, elle investit 28,7 millions de dollars dans de nouvelles méthodes scientifiques : modélisation informatique, tests in vitro avancés, et analyses de données réelles sur les patients.

Un nouveau guide publié en août 2023 précise que des différences mineures dans les excipients (ingrédients inactifs comme les colorants ou les conservateurs) ne doivent plus automatiquement conduire à un code « B ». Si le médicament fonctionne de la même manière dans le corps, il peut être classé « A ».

En janvier 2023, l’Orange Book est devenu entièrement numérique, avec une API accessible aux systèmes d’information hospitaliers. Les logiciels de gestion des ordonnances peuvent maintenant vérifier automatiquement la substituabilité en temps réel. Cela réduit les erreurs humaines et accélère les remplacements.

Que signifie tout cela pour vous ?

Si vous prenez un médicament générique, vous pouvez être sûr qu’il a été testé par la FDA. Si votre pharmacien vous remplace un produit de marque, c’est parce que la loi le permet - et que la science le confirme. Mais si vous recevez un générique que vous n’avez jamais pris, et que vous sentez que ça ne fonctionne pas comme avant, parlez-en à votre médecin. Ce n’est pas toujours un problème de qualité. Parfois, c’est une question de formulation. Et dans certains cas, comme pour les crèmes ou les inhalateurs, la différence peut être réelle.

La substituabilité n’est pas une question de « tout ou rien ». C’est un système qui évolue. Il vise à rendre les médicaments plus abordables sans compromettre la santé. Et il fonctionne - pour la majorité des patients, la plupart du temps. Mais il reste fragile pour les traitements complexes. C’est là que la science, la loi et la vigilance des professionnels de santé doivent continuer de travailler ensemble.

Qu’est-ce qu’un code d’équivalence thérapeutique (TE) de la FDA ?

Un code d’équivalence thérapeutique est une classification attribuée par la FDA aux médicaments multisources pour indiquer s’ils peuvent être substitués par un générique sans risque pour la santé. Il se compose d’une lettre (A ou B) et parfois d’un chiffre, et est publié dans l’Orange Book. Un code « A » signifie que le générique est considéré comme équivalent au médicament de référence en termes de composition, d’absorption et d’efficacité clinique.

Pourquoi certains génériques ont-ils un code « B » ?

Un code « B » signifie que la FDA n’a pas encore pu confirmer que le générique est thérapeutiquement équivalent au médicament de référence. Cela arrive souvent pour les formes complexes : inhalateurs, crèmes topiques, patchs ou solutions injectables. Les méthodes actuelles pour mesurer l’absorption ou la libération du principe actif ne sont pas toujours suffisamment précises pour ces produits. Cela ne signifie pas qu’ils sont dangereux, mais qu’ils ne peuvent pas être substitués en toute sécurité selon les normes actuelles.

Un pharmacien peut-il substituer un médicament avec un code « B » ?

Non, en général. Tous les États américains exigent que les substitutions soient basées sur les codes de l’Orange Book. Substituer un produit avec un code « B » est illégal dans la plupart des cas, sauf si le médecin a expressément autorisé la substitution sur l’ordonnance. Même si le générique est approuvé par la FDA, la loi ne permet pas la substitution si le code est « B ».

Les médicaments en vente libre (sans ordonnance) ont-ils des codes TE ?

Non. Les codes d’équivalence thérapeutique ne s’appliquent qu’aux médicaments sur ordonnance multisources. Les produits en vente libre, comme les analgésiques ou les antihistaminiques, ne sont pas évalués par la FDA pour leur substituabilité. Cela signifie que deux marques différentes de paracétamol peuvent avoir des formulations différentes sans que cela soit réglementé de la même manière que pour les médicaments sur ordonnance.

Comment savoir si mon médicament générique est substituable ?

Vérifiez le nom du médicament sur l’étiquette ou sur la fiche d’information fournie par le pharmacien. Si le médicament est un générique, il doit être listé dans l’Orange Book avec un code « A ». Vous pouvez aussi demander à votre pharmacien de vous montrer le code TE. La plupart des pharmacies utilisent des logiciels qui affichent automatiquement ce code lors de la délivrance. Si vous avez des doutes, demandez : « Ce médicament a-t-il un code A ? »