Traitements OTC de la diarrhée : quand les utiliser et quand consulter un médecin

Florent Delcourt

21 nov. 2025

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La diarrhée aiguë, c’est ce que tout le monde a vécu au moins une fois : des crampes, des envies pressantes, la peur de ne pas trouver une toilette à temps. Heureusement, en France comme aux États-Unis, des traitements sans ordonnance existent pour soulager ces symptômes. Mais les utiliser n’est pas anodin. Trop souvent, les gens les prennent trop longtemps, trop fort, ou dans les mauvaises circonstances - et ça peut devenir dangereux.

Quels sont les deux traitements OTC les plus courants ?

Deux molécules dominent le marché : le lopéramide (sous la marque Imodium) et le bismuth subsalicylate (sous les marques Pepto-Bismol ou Kaopectate). Elles agissent différemment, et ne sont pas interchangeables.

Le lopéramide ralentit le transit intestinal. Il agit directement sur les parois de l’intestin, comme un frein. En 30 à 60 minutes, il réduit le nombre de selles. Une étude de 2021 montre qu’il diminue la fréquence des selles de 62 % en 24 heures. C’est le plus efficace pour les diarrhées liquides sans fièvre ni sang.

Le bismuth subsalicylate, lui, fait plus que ralentir le transit. Il recouvre la muqueuse intestinale, absorbe les toxines, réduit l’inflammation, et tue certaines bactéries comme E. coli ou Campylobacter. Il est particulièrement utile pour les diarrhées du voyageur, ou quand vous avez aussi des nausées et des crampes. Il réduit les nausées de 37 % et les crampes de 42 % selon les données du fabricant.

Les deux sont disponibles en comprimés, liquides ou gélules. Mais attention : les dosages varient. Une dose standard de lopéramide est de 4 mg après la première selle liquide, puis 2 mg après chaque nouvelle selle, sans dépasser 8 mg par jour. Pour le bismuth subsalicylate, c’est 30 mL de liquide (ou deux comprimés) après chaque selle, avec un maximum de 8 doses par jour.

Quand les utiliser ?

Les traitements OTC sont faits pour les diarrhées légères à modérées, sans signe d’alerte. C’est-à-dire : moins de 4 selles par jour, sans fièvre, sans sang, sans douleurs abdominales intenses. Si vous êtes en voyage, que vous avez mangé un plat douteux, et que vous avez des selles liquides depuis 6 heures - c’est le bon moment pour en prendre un.

Le lopéramide est idéal si vous avez besoin de reprendre rapidement le contrôle : un voyage en train, une réunion importante, une soirée. Il agit vite. Le bismuth subsalicylate est préférable si vous avez un malaise complet - diarrhée + nausées + estomac serré - surtout si vous êtes en région à risque (Asie du Sud-Est, Amérique latine, Afrique du Nord).

La plupart des gens ne le savent pas : la diarrhée aiguë disparaît souvent toute seule en 2 à 3 jours. Ces médicaments ne guérissent pas l’infection. Ils ne font que vous soulager. C’est comme un pansement sur une plaie - ça protège, mais ça ne soigne pas la cause.

Quand ne jamais les utiliser ?

C’est ici que les erreurs deviennent graves. Vous ne devez jamais prendre un traitement OTC si vous avez :

  • Une fièvre supérieure à 38,5 °C
  • Des selles avec du sang ou noires (comme du goudron)
  • Des douleurs abdominales très fortes ou qui s’aggravent
  • Une diarrhée qui dure plus de 48 heures sans amélioration

La présence de sang ou de fièvre signale une infection bactérienne ou inflammatoire - comme une salmonellose, une shigellose, ou une colite. Dans ces cas, ralentir le transit avec du lopéramide, c’est comme enfermer les bactéries à l’intérieur. Elles continuent de produire des toxines, et l’infection peut s’aggraver. Des études montrent que les patients qui prennent des anti-diarrhéiques avec fièvre ont 3 fois plus de risques de développer une complication grave.

Le bismuth subsalicylate est aussi à éviter si vous êtes allergique à l’aspirine (car il contient un dérivé salicylate), si vous êtes enceinte, ou si vous prenez des anticoagulants. Et attention : il colore les selles et la langue en noir. Ce n’est pas grave - mais ça fait peur si vous ne savez pas pourquoi.

Mère offre une solution de réhydratation à un enfant malade, médecin avec tableau médical en arrière-plan.

Les risques méconnus du lopéramide

Le lopéramide est un opioïde. Mais à la dose recommandée, il ne traverse pas la barrière hémato-encéphalique. Il n’agit que dans l’intestin. C’est pour ça qu’il est en vente libre.

Mais certains en abusent. Sur les forums, on trouve des témoignages inquiétants : des gens qui prennent 10, 20, même 100 mg par jour pour se soigner d’une dépendance aux opioïdes. C’est extrêmement dangereux. À ces doses, le lopéramide atteint le cerveau. Il provoque des troubles du rythme cardiaque, des arrêts cardiaques. Entre 1976 et 2015, 48 décès ont été directement liés à cette forme d’abus, selon la FDA.

En France, les comprimés de lopéramide sont limités à 8 mg par jour sans ordonnance. Mais les gens achètent plusieurs boîtes. Et ils ne lisent pas les avertissements. Une étude de l’ANSM montre que 19 % des effets indésirables signalés sont dus à un dépassement de la dose journalière.

Comment bien les utiliser ?

Voici la bonne méthode :

  1. Prenez 4 mg de lopéramide (ou 30 mL de Pepto-Bismol) après la première selle liquide.
  2. Prenez 2 mg supplémentaires (ou 30 mL) après chaque nouvelle selle liquide.
  3. Arrêtez après 48 heures, même si les symptômes persistent.

Ne mélangez jamais les deux traitements. Pas de lopéramide + bismuth subsalicylate. Cela augmente le risque d’effets secondaires sans améliorer l’efficacité.

Et surtout : hydratez-vous. La diarrhée élimine des électrolytes. Prenez des solutions de réhydratation orale (SRO), disponibles en pharmacie. Elles contiennent le bon mélange de sel et de sucre. Si vous n’en avez pas, mélangez 1 cuillère à café de sel et 6 cuillères à soupe de sucre dans 1 litre d’eau propre. Buvez petit à petit, même si vous n’avez pas soif.

Évitez le lait, les légumes crus, les fruits acides et les aliments gras pendant 24 à 48 heures. Privilégiez le riz, les bananes, les pommes cuites et le pain grillé - le fameux régime BRAT. Il est simple, doux pour l’intestin, et efficace.

Voyageur dans un train, tenant un comprimé, ombre transformée en symbole de danger et de déshydratation.

Et les enfants ?

Pour les enfants de moins de 12 ans, le lopéramide est déconseillé sans avis médical. En France, les autorités sanitaires recommandent d’éviter les anti-diarrhéiques chez les jeunes enfants, car ils augmentent le risque d’occlusion intestinale.

Le bismuth subsalicylate est interdit chez les enfants de moins de 12 ans en raison du risque de syndrome de Reye, une maladie rare mais grave du foie et du cerveau. Pour les enfants plus âgés, utilisez uniquement les formules spécifiques pour enfants, et jamais les doses adultes.

Le meilleur traitement pour un enfant avec diarrhée, c’est la réhydratation. Si l’enfant urine moins de 4 fois par jour, a la bouche sèche, ou est plus fatigué que d’habitude, consultez un médecin. Ne cherchez pas à arrêter la diarrhée - protégez-le de la déshydratation.

Quand faut-il vraiment voir un médecin ?

Voici les signes d’alerte absolus :

  • Plus de 6 selles liquides par jour pendant plus de 48 heures
  • Signes de déshydratation : urine très claire ou absente, peau sèche, vertiges, pouls rapide
  • Perte de poids supérieure à 5 % en quelques jours
  • Fièvre persistante au-delà de 48 heures
  • Selles sanglantes ou noires
  • Douleurs abdominales intenses ou localisées

Si vous avez un antécédent de maladie inflammatoire de l’intestin (comme la maladie de Crohn), ou si vous êtes âgé de plus de 65 ans, consultez dès les premiers signes. Votre système immunitaire est plus fragile, et une infection bénigne peut vite devenir grave.

Les médecins ne prescrivent plus systématiquement des antibiotiques pour la diarrhée. Ils savent que la plupart des cas sont viraux. Leur priorité, c’est la réhydratation. Mais ils peuvent prescrire des tests pour identifier la bactérie responsable - surtout si vous avez voyagé récemment ou si vous êtes dans un foyer de contamination.

Le futur des traitements

De nouveaux traitements sont en cours d’étude, comme le racecadotril, déjà disponible en Europe pour les enfants. Il réduit la durée de la diarrhée sans ralentir le transit, donc sans risque d’occlusion. Mais il n’est pas encore en vente libre en France.

Les experts prévoient une baisse de l’usage des traitements OTC dans les prochaines années. Pourquoi ? Parce que les tests rapides de selles vont devenir plus accessibles. On pourra savoir si c’est une bactérie, un virus, ou un parasite. Et traiter la cause, pas seulement les symptômes.

En attendant, les OTC restent utiles - mais seulement quand on les utilise bien. Pas comme un coup de baguette magique. Pas comme un médicament à prendre « au cas où ». Et surtout, pas quand le corps vous envoie des signaux d’alerte.

La diarrhée, c’est le corps qui essaie de se débarrasser d’un envahisseur. Parfois, il faut l’aider à le faire. Parfois, il faut le protéger. Et parfois, il faut juste attendre - et boire de l’eau.

Peut-on prendre du lopéramide et du Pepto-Bismol en même temps ?

Non, il ne faut jamais combiner les deux. Le lopéramide ralentit le transit, tandis que le bismuth subsalicylate contient du salicylate, un dérivé de l’aspirine. Ensemble, ils augmentent le risque d’effets secondaires sans améliorer l’efficacité. Le risque de toxicité, notamment hépatique ou rénale, est réel. Choisissez un seul traitement, et respectez sa posologie.

Pourquoi les selles deviennent-elles noires avec Pepto-Bismol ?

C’est normal. Le bismuth réagit avec le soufre présent dans les sucs digestifs et forme un composé noir non toxique. Il colore aussi la langue, parfois les dents. Ce n’est pas du sang, ni un signe de maladie. Cela disparaît quelques jours après l’arrêt du traitement. Mais si vous avez des selles noires sans avoir pris Pepto-Bismol, consultez immédiatement un médecin - cela peut indiquer une hémorragie digestive.

Le lopéramide est-il dangereux pour le cœur ?

À la dose recommandée (max 8 mg/jour), il est sûr pour la plupart des adultes. Mais à des doses élevées - souvent par abus ou pour se soigner d’une dépendance - il peut provoquer des troubles du rythme cardiaque, voire un arrêt cardiaque. La FDA a dû limiter les emballages pour afficher clairement la dose maximale. Ne prenez jamais plus de 8 mg en 24 heures, et jamais sans avis médical si vous avez des problèmes cardiaques.

Quand faut-il commencer à s’inquiéter pour un enfant avec la diarrhée ?

Chez un enfant, la déshydratation arrive vite. Si l’enfant urine moins de 4 fois en 24 heures, a les lèvres sèches, les yeux creux, est plus somnolent que d’habitude, ou refuse de boire, consultez un médecin sans attendre. Ne donnez pas de traitement OTC sans avis médical. La réhydratation est la priorité absolue. Les anti-diarrhéiques sont déconseillés chez les moins de 12 ans.

Les traitements OTC préviennent-ils la diarrhée du voyageur ?

Le bismuth subsalicylate peut réduire le risque de diarrhée du voyageur de 65 % s’il est pris deux fois par jour pendant le voyage. Mais ce n’est pas un substitut à l’hygiène alimentaire. Évitez les eaux non embouteillées, les glaçons, les fruits lavés à l’eau du robinet, et les viandes crues. Prendre du bismuth en prophylaxie est une option, mais pas une garantie. L’hygiène reste le meilleur remède.