Quand marcher devient une épreuve, et que chaque pas fait mal, il est facile de penser à un problème circulatoire. Mais ce n’est pas toujours le cas. Beaucoup de personnes âgées souffrent d’une condition appelée claudication neurogène, un symptôme fréquent de la sténose spinale lombaire. Contrairement à une mauvaise circulation, cette douleur ne disparaît pas simplement en s’arrêtant. Elle s’atténue seulement quand on se penche en avant, qu’on s’assied ou qu’on pousse un chariot d’épicerie. Ce n’est pas une simple fatigue : c’est un signal clair du corps que les nerfs dans le bas du dos sont comprimés.
Qu’est-ce que la claudication neurogène ?
La claudication neurogène, c’est une douleur, une lourdeur, une fourmillement ou une faiblesse dans les jambes, les fesses ou les cuisses qui apparaît quand on marche ou qu’on reste debout trop longtemps. Elle disparaît rapidement quand on se penche en avant, qu’on s’assied ou qu’on se met en position fœtale. Ce n’est pas une douleur aléatoire : elle suit un schéma précis. Les patients décrivent souvent leurs jambes comme « en plomb » ou « comme si elles ne leur appartenaient plus ». Cette condition est causée par un rétrécissement du canal rachidien dans la région lombaire - un phénomène naturel avec l’âge. Les disques intervertébraux s’effondrent, les ligaments épaississent, les articulations se déforment. Résultat : les nerfs qui partent de la moelle épinière vers les jambes sont écrasés. Ce n’est pas une compression brutale, mais une pression progressive qui s’aggrave avec le temps. Ce n’est pas non plus une maladie rare : selon les données du National Institute of Arthritis and Musculoskeletal and Skin Diseases, plus de 200 000 Américains sont concernés chaque année, et la majorité ont plus de 50 ans.Comment la distinguer de la claudication vasculaire ?
C’est ici que tout se complique. Beaucoup de patients, et même certains médecins, confondent la claudication neurogène avec la claudication vasculaire, qui vient d’un mauvais apport sanguin aux jambes. La différence est cruciale, car les traitements sont diamétralement opposés. La claudication vasculaire :- Douleur dans les mollets pendant la marche
- Soulagement après quelques minutes de repos, peu importe la position
- Pulsations fémorales ou poplitées faibles ou absentes
- Peut être associée à des pieds froids ou une peau pâle La claudication neurogène :
- Douleur dans les fesses, les cuisses ou les jambes
- Soulagement immédiat en se penchant en avant, en s’asseyant ou en utilisant un chariot
- Pulsations normales et symétriques aux pieds
- Pas de changement de couleur ou de température de la peau Le « signe du chariot » est un indicateur très fiable : 68 à 85 % des patients atteints de sténose lombaire rapportent qu’ils se sentent mieux en appuyant leurs mains sur un caddie ou une canne. C’est un geste instinctif, presque universel chez ces personnes. Ils ne savent pas pourquoi ça marche, mais ils le font. Et c’est exactement ce que les médecins cherchent : un comportement qui révèle la cause neurologique.
Comment le diagnostic est posé ?
Il n’existe pas de test unique pour confirmer la claudication neurogène. Le diagnostic repose sur trois piliers : l’histoire médicale, l’examen physique et les images. L’interrogatoire est essentiel. Un bon médecin va poser des questions précises :- « Avez-vous mal aux jambes en marchant ? »
- « Est-ce que vous vous penchez en avant pour vous soulager ? »
- « Est-ce que vous vous sentez mieux en poussant un chariot ou en faisant du vélo ? »
- « Avez-vous des fourmillements ou une faiblesse dans les jambes ? » L’examen physique révèle souvent une démarche courbée, une douleur à l’extension de la colonne lombaire, et une absence de réflexes tendineux aux chevilles. Le test des cinq répétitions assis-debout (5R-STS) est un outil simple mais efficace : si un patient peut le faire en moins de 10 secondes, il n’a pas encore de déficit fonctionnel majeur. Un autre signe clinique peu connu mais fiable est l’atrophie du muscle extenseur des orteils (extensor digitorum brevis), visible sur le dessus du pied. L’IRM est l’imagerie de choix. Elle montre clairement le rétrécissement du canal. Mais attention : jusqu’à 67 % des personnes âgées sans aucun symptôme ont des anomalies à l’IRM. Cela veut dire que l’image seule ne suffit pas. Ce n’est pas la taille du rétrécissement qui compte, mais ce que le patient ressent. Un patient avec un rétrécissement modéré mais des symptômes sévères a besoin du même suivi qu’un patient avec un rétrécissement sévère mais des douleurs légères.
Les traitements conservateurs : la première ligne
La majorité des patients - environ 82 % - trouvent un soulagement significatif avec les traitements non chirurgicaux, surtout au début de la maladie. Le traitement commence par trois piliers : médicaments, exercices et rééducation. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’ibuprofène ou le naproxène peuvent réduire l’inflammation locale autour des nerfs. Les analgésiques comme le paracétamol sont souvent utilisés pour les douleurs modérées. Pour les douleurs nerveuses plus intenses, des médicaments comme la gabapentine ou la pregabalin peuvent être prescrits. Mais ce qui a le plus d’impact à long terme, c’est l’exercice. Les programmes de rééducation axés sur la flexion - c’est-à-dire les mouvements qui ouvrent le canal rachidien - sont très efficaces. Des études montrent que 6 à 8 semaines de physiothérapie régulière, avec des exercices comme les fentes en avant, les étirements du dos en position assise, et la marche en position penchée, permettent de réduire la douleur et d’augmenter la distance de marche. Un patient qui apprend à marcher en se tenant à un caddie ou en utilisant un déambulateur peut doubler sa capacité à se déplacer sans douleur. Les infiltrations épidurales de corticoïdes sont une option intermédiaire. Elles visent à réduire l’inflammation autour des nerfs comprimés. Elles donnent un soulagement temporaire chez 50 à 70 % des patients, mais rarement durable. Elles ne sont pas un traitement de fond, mais un outil pour gagner du temps et mieux préparer un éventuel traitement chirurgical.Quand penser à la chirurgie ?
Si après 3 à 6 mois de traitements conservateurs, la douleur persiste, la faiblesse s’aggrave, ou que la qualité de vie se détériore, la chirurgie devient une option sérieuse. Les procédures les plus courantes sont la laminectomie (retrait partiel ou total de l’os qui recouvre le canal rachidien), la laminotomie (retrait partiel seulement) ou les techniques mini-invasives comme la décompression interspinale. La technologie a beaucoup évolué. En janvier 2023, la FDA a approuvé un nouveau dispositif appelé Superion, un petit implant placé entre les processus épineux pour maintenir le canal ouvert en extension. Des essais multicentriques ont montré 78 % de satisfaction des patients après 24 mois. Les résultats chirurgicaux sont bons : entre 70 et 80 % des patients sélectionnés correctement rapportent une amélioration « bonne à excellente » un an après l’intervention. Mais la chirurgie n’est pas sans risque. Il peut y avoir des infections, des cicatrices nerveuses, ou une récidive du rétrécissement. Ce n’est pas une solution magique : c’est un outil pour restaurer la fonction, pas pour effacer l’âge.
Le vécu des patients : ce que les chiffres ne disent pas
Sur les forums de patients, les témoignages sont éloquents. Un utilisateur de Reddit écrit : « Je ne peux marcher que 200 mètres avant que mes jambes ne deviennent inertes. Mais quand je pousse un chariot, je peux faire le tour du supermarché. » Un autre raconte : « J’ai vu trois médecins avant que quelqu’un ne me demande si je me penchais en avant pour me soulager. Personne ne m’avait posé cette question. » Ces histoires révèlent un problème majeur : le sous-diagnostic. Beaucoup de patients sont traités pour une maladie vasculaire pendant des mois, alors que leur problème est neurologique. Les pouls sont bons, les analyses sont normales - et pourtant, la douleur persiste. Ce n’est pas dans les laboratoires qu’il faut chercher la réponse, mais dans les gestes quotidiens. Ceux qui comprennent la logique de leur douleur - que la position penchée est leur alliée - réussissent mieux à gérer leur quotidien. 78 % des patients qui utilisent activement la flexion pour allonger leur marche rapportent une meilleure autonomie.Le futur du traitement
L’avenir de la prise en charge de la sténose spinale repose sur deux axes : mieux diagnostiquer et mieux traiter. Les chercheurs de l’International Spine Study Group travaillent à un algorithme diagnostique standardisé, attendu fin 2024. Il vise à lier précisément les symptômes cliniques aux images, pour éviter les surdiagnostics et les sous-traitements. Du côté des traitements, les techniques mini-invasives continuent de progresser. Les procédures ambulatoires, avec récupération rapide, deviennent la norme. Et la prévention gagne du terrain : des programmes de renforcement du tronc et de maintien de la mobilité lombaire sont maintenant intégrés dans les soins aux personnes âgées. Le défi majeur ? L’augmentation de la population âgée. Selon l’OMS, le nombre de personnes de plus de 65 ans va doubler d’ici 2050. Cela signifie que la sténose spinale et la claudication neurogène ne vont pas disparaître. Elles vont devenir encore plus courantes. La question n’est plus de savoir si on va traiter ces patients, mais comment on va les traiter à grande échelle.La claudication neurogène peut-elle disparaître sans traitement ?
Rarement. La sténose spinale est une dégénérescence progressive liée à l’âge. Sans traitement, les symptômes tendent à s’aggraver lentement. Mais certains patients apprennent à gérer leur douleur en modifiant leurs habitudes - en marchant en position penchée, en évitant les longues station debout, en utilisant des aides - et peuvent vivre longtemps avec un bon niveau de fonctionnement. Ce n’est pas une guérison, mais une adaptation efficace.
Est-ce que le vélo est bon pour la claudication neurogène ?
Oui, souvent. Le vélo, surtout en position penchée vers l’avant, maintient le canal rachidien ouvert. Beaucoup de patients rapportent qu’ils peuvent pédaler pendant des heures sans douleur, alors qu’ils ne peuvent pas marcher plus de 10 minutes. C’est pourquoi les médecins recommandent souvent le vélo comme activité physique de choix pour les personnes atteintes de sténose lombaire.
Les injections de cortisone guérissent-elles la sténose ?
Non. Les injections de corticoïdes réduisent temporairement l’inflammation autour des nerfs, ce qui soulage la douleur. Mais elles ne modifient pas la structure du rétrécissement. Le bénéfice dure en général quelques semaines à quelques mois. Elles servent à gagner du temps, à améliorer la qualité de vie pendant qu’on essaie d’autres approches, ou à préparer un patient à la chirurgie.
Faut-il toujours faire une IRM pour confirmer la claudication neurogène ?
Pas toujours. Si les symptômes sont typiques - douleur en marchant, soulagement en se penchant - et que l’examen physique est cohérent, un médecin expérimenté peut poser le diagnostic sans IRM. L’IRM est utile pour confirmer, planifier une chirurgie ou éliminer d’autres causes. Mais elle ne doit pas être utilisée comme un test de dépistage général, car beaucoup de personnes âgées ont des anomalies à l’IRM sans symptômes.
Quels sont les signes d’alerte qui nécessitent une consultation urgente ?
La perte soudaine de contrôle de la vessie ou des intestins, une faiblesse brutale des jambes, ou une perte de sensation dans la région génitale (saddle anesthesia) sont des signes d’urgence. Ces symptômes peuvent indiquer un syndrome de la queue de cheval, une compression sévère des nerfs qui nécessite une intervention chirurgicale immédiate. Ne les ignorez pas.