Un ulcère peptique, c’est bien plus qu’une simple brûlure d’estomac. C’est une plaie réelle dans la paroi de l’estomac ou du duodénum, qui peut vous faire souffrir pendant des semaines si elle n’est pas traitée. En 2025, près de 8 millions de personnes dans le monde en sont encore affectées. Ce n’est pas une maladie du passé - elle est toujours là, mais aujourd’hui, on sait exactement comment la soigner.
Qu’est-ce qui cause vraiment un ulcère peptique ?
On a longtemps cru que le stress ou les aliments épicés causaient les ulcères. Ce n’est pas vrai. La vérité, c’est que deux facteurs principaux sont en cause : une bactérie et des médicaments.
La bactérie Helicobacter pylori est responsable de la majorité des cas. Découverte en 1982 par deux scientifiques australiens, elle colonise la muqueuse de l’estomac, provoque une inflammation, et affaiblit la protection naturelle contre l’acide. Résultat : l’acide digère la paroi de l’estomac ou du duodénum, et crée une plaie. On la retrouve chez plus de 50 % des personnes ayant un ulcère duodénal, et chez 30 à 50 % de celles ayant un ulcère gastrique.
L’autre cause majeure, devenue la plus fréquente dans les pays développés, ce sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : l’ibuprofène, le naproxène, l’aspirine… Ces médicaments, souvent pris pour les douleurs articulaires ou les maux de tête, bloquent les substances qui protègent la muqueuse. Depuis 2020, ils sont responsables de plus de la moitié des ulcères. Avec le vieillissement de la population, plus de gens prennent ces médicaments sur le long terme - et les ulcères liés aux AINS ne cessent d’augmenter.
Comment savoir si vous en avez un ?
Les symptômes sont souvent clairs, mais on les confond facilement avec une indigestion. La douleur la plus typique ? Une brûlure intense au niveau de l’estomac, juste sous les côtes. Elle vient souvent quand l’estomac est vide, et elle peut s’atténuer après avoir mangé. Mais attention : ce n’est pas une bonne nouvelle. Cela veut dire que la nourriture neutralise l’acide - pas que l’ulcère guérit.
D’autres signes : nausées, sensation de satiété rapide, intolérance aux aliments gras, ballonnements. Dans les cas graves, vous pouvez vomir du sang (qui ressemble à du marc de café), avoir des selles noires et gluantes, ou perdre du poids sans raison. Si vous avez l’un de ces symptômes, ne vous contentez pas d’un antacid. Vous avez besoin d’un diagnostic précis.
Le seul moyen fiable de confirmer un ulcère, c’est l’endoscopie. Un petit tube avec une caméra descend jusqu’à votre estomac. Pendant l’examen, on peut aussi prélever des échantillons pour tester la présence de Helicobacter pylori. Il existe aussi des tests respiratoires, sanguins ou fécaux, mais l’endoscopie reste la référence.
Comment traite-t-on un ulcère causé par Helicobacter pylori ?
Si la bactérie est en cause, on ne traite pas l’ulcère - on éradique la bactérie. Et ça change tout. Avant cette découverte, les gens prenaient des médicaments pour réduire l’acide, mais l’ulcère revenait dans 70 % des cas. Aujourd’hui, avec un traitement adapté, la récidive tombe à 10 %.
Le traitement standard, appelé thérapie triple, combine deux antibiotiques et un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) pendant 7 à 14 jours. Les antibiotiques les plus utilisés sont la clarithromycine, l’amoxicilline et la métronidazole. L’IPP, comme l’oméprazole ou l’ésoméprazole, réduit l’acide pour que la muqueuse puisse se réparer.
Le problème ? Les antibiotiques ont des effets secondaires. Beaucoup de patients disent avoir un goût métallique dans la bouche - surtout avec la métronidazole. Des nausées, des diarrhées, des ballonnements sont courants. Mais la clé, c’est la rigueur : il faut prendre les médicaments à heure fixe, sans sauter une dose. Si vous arrêtez trop tôt, la bactérie résiste. Et une souche résistante est bien plus difficile à éradiquer.
Depuis 2022, les recommandations ont évolué. Dans les régions où plus de 15 % des souches de H. pylori sont résistantes à la clarithromycine - ce qui est maintenant le cas dans 35 % des États-Unis - on passe à une thérapie quadruple. Elle ajoute du bismuth (un composé protecteur) au schéma classique. Cela augmente les chances de guérison à plus de 90 %.
Et si l’ulcère vient des AINS ?
Si vous n’avez pas la bactérie, mais que vous prenez des AINS, le traitement change. La première étape ? Arrêter ou réduire les AINS. Si vous avez un arthrose chronique et que vous ne pouvez pas vous passer de ces médicaments, votre médecin peut vous prescrire un AINS plus doux, comme le célecoxib (un inhibiteur COX-2), qui cause moins d’ulcères.
En parallèle, on vous prescrit souvent un IPP en continu, ou un analogue des prostaglandines comme le misoprostol. Ce dernier protège directement la muqueuse, mais il peut causer des crampes et n’est pas recommandé pendant la grossesse.
Le plus important : ne remplacez pas les AINS par de l’aspirine ou de l’ibuprofène en automédication. Même en petites doses, ils sont dangereux pour l’estomac. Privilégiez le paracétamol (Tylenol) pour les douleurs légères. Il n’attaque pas la muqueuse.
Les médicaments réducteurs d’acide : IPP vs H2
Les IPP sont les rois du traitement. Ils bloquent la production d’acide à la source, et leur effet dure 24 à 72 heures. C’est pourquoi ils sont pris une fois par jour, 30 à 60 minutes avant le petit-déjeuner. Les plus courants : oméprazole (Prilosec), ésoméprazole (Nexium), lansoprazole (Prevacid), pantoprazole (Protonix).
Les H2-bloquants, comme le famotidine (Pepcid) ou le cimétidine (Tagamet), réduisent aussi l’acide, mais moins efficacement. Leur effet ne dure que 10 à 12 heures. Ils sont aujourd’hui réservés aux cas légers ou comme complément.
Un nouveau venu fait parler de lui : le vonoprazan. Approuvé au Japon depuis 2014, il vient d’être approuvé aux États-Unis en janvier 2023. Il agit plus vite et plus fort que les IPP. Dans les essais, il a atteint 90 % de réussite pour éradiquer H. pylori, contre 75-85 % pour les IPP traditionnels. Il pourrait devenir le nouveau standard dans les prochaines années.
Les risques à long terme des IPP
Les IPP sont efficaces, mais pas sans risques. Une utilisation prolongée (plus de 1 an) est associée à :
- Une baisse de la vitamine B12, car l’acide est nécessaire à son absorption
- Un risque accru de fractures osseuses, surtout chez les personnes âgées
- Une infection par Clostridium difficile, une bactérie qui cause des diarrhées sévères
La FDA a ajouté des avertissements en boîte pour ces risques en 2010 et 2011. Ce n’est pas une raison de ne pas les prendre - mais c’est une raison de les utiliser avec prudence. Si votre ulcère est guéri, votre médecin doit vous aider à arrêter les IPP progressivement. Arrêter brutalement peut provoquer une hyperproduction d’acide : votre estomac, habitué à peu d’acide, en produit en excès pendant quelques semaines. C’est désagréable, mais temporaire.
Comment vivre avec un ulcère ? Les gestes qui changent tout
Les médicaments ne suffisent pas. Votre mode de vie joue un rôle crucial.
Le tabac double ou triple le risque d’ulcère. Il ralentit la guérison, augmente la récidive. Arrêter de fumer est la meilleure chose que vous puissiez faire pour votre estomac.
L’alcool, surtout en grande quantité (plus de 3 verres par jour), augmente le risque de 300 %. Même si vous n’êtes pas alcoolique, réduire votre consommation accélère la cicatrisation.
Le stress ne cause pas l’ulcère, mais il aggrave les symptômes. Dormir suffisamment, faire de l’exercice, gérer son anxiété - tout cela aide votre corps à guérir.
Évitez les repas trop gras, trop épicés, ou trop tardifs. Manger des petites quantités, plusieurs fois par jour, soulage la pression sur l’estomac.
Quel avenir pour les ulcères peptiques ?
La bonne nouvelle, c’est que les ulcères liés à H. pylori vont continuer à diminuer dans les pays développés. En 1980, 60 % des adultes étaient porteurs de la bactérie. En 2020, ce n’était plus que 25 %. C’est grâce aux traitements, à l’hygiène, et à la détection précoce.
La mauvaise nouvelle, c’est que les ulcères liés aux AINS ne vont pas disparaître. Avec le vieillissement de la population, de plus en plus de gens auront besoin de traitements pour l’arthrite, les douleurs chroniques, ou les maladies cardiovasculaires. Les IPP et les nouvelles molécules comme le vonoprazan seront essentiels.
Demain, les traitements seront personnalisés. On fera des tests de résistance aux antibiotiques avant de prescrire. En 2025, 60 % des traitements pour H. pylori seront guidés par ces tests - contre 15 % en 2022. Ce n’est plus de la science-fiction. C’est la médecine de demain.
Un ulcère peptique peut-il disparaître tout seul ?
Non, un ulcère ne guérit pas vraiment tout seul. Même si les symptômes s’atténuent, la plaie reste présente. Sans traitement, elle peut s’aggraver, saigner, ou perforer la paroi de l’estomac - ce qui est une urgence chirurgicale. Le traitement médical est indispensable pour une guérison complète et durable.
Les antibiotiques pour l’ulcère font-ils grossir ?
Les antibiotiques ne causent pas directement une prise de poids. En revanche, ils perturbent la flore intestinale, ce qui peut provoquer des ballonnements, une rétention d’eau, ou une envie accrue de sucre. Certains patients ressentent une sensation de « gonflement » ou une prise de poids temporaire pendant le traitement, mais ce n’est pas de la graisse. Cela revient à la normale après l’arrêt des antibiotiques.
Puis-je boire du café avec un ulcère ?
Le café, même décaféiné, stimule la production d’acide. Pendant le traitement d’un ulcère, il est recommandé de l’éviter. Une fois guéri, vous pouvez le reprendre avec modération, mais si vous ressentez une brûlure après, arrêtez-le. Chaque estomac est différent.
Les remèdes naturels (chou, miel, propolis) aident-ils ?
Certains aliments comme le chou ou le miel ont des propriétés anti-inflammatoires, et peuvent apaiser les symptômes. Mais ils ne tuent pas Helicobacter pylori ni ne réparent une plaie profonde. Ils ne remplacent pas les antibiotiques ou les IPP. Utilisez-les comme complément, jamais comme traitement principal.
Combien de temps faut-il pour guérir d’un ulcère ?
Pour un ulcère dû à H. pylori, le traitement dure 7 à 14 jours, mais la guérison complète de la muqueuse prend 4 à 8 semaines. Pour les ulcères liés aux AINS, la cicatrisation peut prendre jusqu’à 8 semaines, surtout si vous continuez à les prendre. Il faut être patient. Ne vous arrêtez pas avant la fin du traitement, même si vous vous sentez mieux.
Quand faut-il revenir chez le médecin après le traitement ?
Après un traitement pour H. pylori, un test de contrôle est recommandé 4 à 6 semaines après la fin des antibiotiques. Cela peut être un test respiratoire ou fécal. C’est la seule façon de savoir si la bactérie a bien été éliminée. Si elle est toujours présente, un deuxième traitement sera nécessaire.
5 Commentaires
Fabienne Paulus
décembre 4 2025
Je suis française, j’ai 58 ans, et j’ai pris des AINS pendant 12 ans pour mon arthrose. J’ai eu un ulcère perforé en 2021. On m’a dit que c’était « normal » à mon âge. NON. Ce post est une bombe. Le vonoprazan, j’en ai entendu parler à la clinique de Lyon, mais personne ne m’en a parlé avant. Et le paracétamol comme alternative ? J’adore. J’ai arrêté l’ibuprofène, je bois plus de café, et je vis. Merci pour cette clarté. 🙏
Anne Ruthmann
décembre 5 2025
La thérapie triple est obsolète. Les données de l’OMS 2024 montrent que la résistance à la clarithromycine dépasse 40 % en Europe occidentale. La quadruple avec bismuth est la seule approche validée par la Société Européenne de Gastro-entérologie. Le vonoprazan est prometteur, mais son coût et son accès restent problématiques dans les systèmes de santé publics. Ce post, bien que factuel, manque de nuance épistémologique.
Adrien Mooney
décembre 5 2025
Salut j’ai lu ton post en 5 min et j’ai tout compris merci
je suis en traitement pour H pylori et j’ai pris la métronidazole j’ai eu un goût de métal pendant 3 jours j’ai cru que j’étais en train de mourir
mais j’ai pas arrêté j’ai pris tout comme il faut et le test respiratoire est négatif
je vais pas dire que c’est facile mais c’est faisable
et oui le café c’est du poison pendant le traitement
paracétamol oui alcool non fumer non
et dormir c’est pas un luxe c’est un traitement
Sylvain C
décembre 7 2025
En France on a tout ça depuis 2020, mais les médecins sont trop paresseux pour prescrire le bon traitement. Les patients, eux, sont trop naïfs. On nous donne des IPP comme des bonbons, et après on se plaint que ça marche pas. Le vrai problème, c’est que la médecine française est devenue une usine à médicaments. Et les Américains avec leur vonoprazan ? Ils sont toujours en avance. On attend que les Japonais nous montrent la voie. Et on se réveille en 2030.
Beat Steiner
décembre 2 2025
Ce post est une vraie bouffée d’air frais. J’ai eu un ulcère il y a 3 ans, et personne ne m’avait jamais expliqué ça aussi clairement. Merci pour les détails sur les IPP et la résistance à la clarithromycine. J’ai cru que j’allais mourir de douleur, et maintenant je comprends pourquoi ça a pris 2 mois pour que ça guérisse vraiment.
Je recommande à tout le monde de faire le test respiratoire après le traitement. J’ai sauté celui-là, et ça a récidivé. C’est pas de la parano, c’est de la prévention.
Et oui, arrêter de fumer, c’est la seule chose qui a vraiment changé ma vie. J’ai plus de brûlures, plus de fatigue, et je dors mieux. Le chou, c’est bien, mais le tabac, c’est le vrai coupable.