
TL;DR / Ce qu’il faut retenir
Vous cherchez si le lopinavir peut servir en PrEP pour prévenir le VIH ? La réponse courte est non. Aucune agence (OMS, CDC, EACS, SFLS) ne le recommande pour la prophylaxie pré-exposition. Les raisons sont simples : pas d’essais d’efficacité en PrEP, tolérance moyenne, trop d’interactions, et des options bien meilleures disponibles en 2025.
- Pas de preuve d’efficacité du lopinavir/ritonavir en PrEP et pas d’autorisation pour cet usage.
- Les régimes validés : ténofovir/emtricitabine (quotidien ou à la demande) et cabotégravir injectable longue action.
- Le lopinavir/ritonavir était parfois utilisé en prophylaxie post-exposition (PEP) il y a des années, mais il a été délaissé pour de meilleurs profils de tolérance et d’interactions.
- Choix pratique : fréquence des expositions, observance possible, comorbidités et interactions guident le bon schéma de PrEP.
- Références : OMS 2022, CDC 2024, EACS 2023, SFLS 2024, essais iPrEx, Partners PrEP, ANRS IPERGAY, HPTN 083/084.
Pourquoi le lopinavir a été envisagé… et pourquoi il n’a pas de place en PrEP
Le lopinavir, booster par le ritonavir (anciennement sous la marque Kaletra), a été un pilier du traitement du VIH dans les années 2000. On comprend donc la question : si une molécule antirétrovirale « forte » bloque la protéase virale, pourrait-elle prévenir l’infection chez les personnes séronégatives exposées ? Sur le papier, l’idée séduit. Dans les faits, elle ne tient pas.
Premier point : l’évidence clinique. À ce jour, aucun essai randomisé n’a démontré l’efficacité de lopinavir/ritonavir en prophylaxie pré-exposition. Les grandes études qui ont établi la PrEP (iPrEx chez les HSH et femmes trans, Partners PrEP chez les couples hétérosexuels sérodifférents, ANRS IPERGAY pour la prise « à la demande ») utilisent ténofovir/emtricitabine. Pour l’injectable, ce sont HPTN 083 et 084 qui ont fait bouger les lignes avec le cabotégravir. Le lopinavir n’est tout simplement pas dans ce paysage.
Deuxième point : la tolérance et la vie réelle. Le lopinavir/ritonavir provoque souvent des troubles digestifs (nausées, diarrhées), des anomalies lipidiques, et peut perturber la glycémie et la fonction hépatique. Pour un traitement court de sauvetage, on peut parfois l’encaisser. Pour une prévention prolongée chez des personnes en bonne santé, c’est une autre histoire. La PrEP exige une très bonne acceptabilité sur des mois, voire des années.
Troisième point : les interactions médicamenteuses. Le ritonavir est un puissant inhibiteur du CYP3A. Résultat : des interactions en cascade avec des statines (simvastatine/atorvastatine), certains anticoagulants oraux, des benzodiazépines, des antipsychotiques, des antiarythmiques, et même des contraceptifs hormonaux (efficacité diminuée). En PrEP, vous ne voulez pas d’un médicament qui complique votre vie médicale pour rien.
Quatrième point : la pharmacologie tissulaire. La prévention de l’infection se joue sur les muqueuses génitales et rectales. Les données de pénétration tissulaire du lopinavir sont variables et souvent modestes, loin de la signature « forte pénétration » de ténofovir ou des profils très favorables des inhibiteurs d’intégrase modernes. Là encore, rien de rassurant pour l’utiliser en prévention.
Dernier point : les recommandations. Les lignes directrices OMS 2022, CDC 2024, EACS 2023 et SFLS 2024 sont claires : la PrEP se fait avec ténofovir/emtricitabine (quotidien ou à la demande) ou cabotégravir à action prolongée. Le lopinavir/ritonavir n’y figure pas. Même en prophylaxie post-exposition (PEP), la tendance depuis des années est de préférer des schémas à base d’inhibiteurs d’intégrase pour une meilleure tolérance.
Conclusion pratique : si vous avez cliqué pour savoir si le lopinavir peut protéger en PrEP, la réponse utile est « non, et vous avez de meilleures options validées ».
Ce qui marche vraiment en 2025 : options validées, preuves et usages
Bonne nouvelle : on sait très bien prévenir le VIH aujourd’hui. Deux catégories dominent : l’oral avec ténofovir/emtricitabine (TDF/FTC) et l’injectable avec cabotégravir (CAB-LA). Chacune a ses atouts en fonction de votre vie, de vos expositions et de vos antécédents médicaux.
TDF/FTC quotidien. C’est la base. Une prise par jour, efficacité très élevée si l’observance est bonne. Prouvée dans iPrEx, Partners PrEP et d’autres cohortes. En France, c’est remboursé et prescriptible en médecine de ville. Contrôles tous les 3 mois : test VIH, dépistage IST, créatinine (fonction rénale), bilan hépatite B/C selon le contexte.
TDF/FTC « à la demande » (schéma 2-1-1) pour les HSH et femmes trans ayant du sexe anal réceptif. Posologie : 2 comprimés 2 à 24 heures avant un rapport, 1 comprimé 24 heures après, 1 comprimé 48 heures après. Si rapports répétés sur plusieurs jours, on continue 1 comprimé par jour jusqu’à 48 heures après le dernier rapport. Ce schéma vient de l’essai ANRS IPERGAY et a changé la donne pour ceux qui préfèrent une prise « événementielle ».
CAB-LA (cabotégravir à longue durée d’action). Injections intramusculaires de 600 mg : deux injections d’initiation à un mois d’intervalle, puis une injection toutes les 8 semaines. Les essais HPTN 083 (HSH et femmes trans) et HPTN 084 (femmes cisgenres en Afrique) ont montré une supériorité du cabotégravir vs TDF/FTC dans leurs populations respectives. C’est une avancée majeure pour ceux qui peinent à prendre un comprimé régulier ou qui veulent « oublier » la contrainte quotidienne.
TAF/FTC (tenofovir alafénamide/emtricitabine). Autorisé en PrEP dans certains pays pour les HSH et femmes trans, mais pas pour les expositions vaginales réceptives. Les sociétés savantes européennes restent prudentes. En France en 2025, la place de TAF/FTC en PrEP reste limitée, avec une préférence claire pour TDF/FTC ou cabotégravir.
Et le lopinavir là-dedans ? Aucune place en PrEP. Même en PEP, la bascule s’est faite vers des schémas plus modernes autour des inhibiteurs d’intégrase (raltegravir, dolutegravir, bictegravir selon les pays) associés à TDF/FTC, car mieux tolérés. Les recommandations BHIVA/BASHH et SFLS vont dans ce sens depuis plusieurs années.
Option | Évidence PrEP | Posologie | Points forts | Limites | Statut 2025 |
---|---|---|---|---|---|
Lopinavir/ritonavir | Aucune étude PrEP probante | Capsules 2×/j (hist.) | Barrière génétique élevée en traitement | Intolérance fréquente, interactions multiples, pas validé | Non recommandé (OMS, CDC, EACS, SFLS) |
TDF/FTC (quotidien) | iPrEx, Partners PrEP, données réelles robustes | 1 cp/j | Efficacité élevée, simple, remboursé | Nécessite observance, fonction rénale à surveiller | Recommandé |
TDF/FTC (2-1-1) | ANRS IPERGAY (HSH, femmes trans) | Avant/après rapport | Flexible, adapté aux expositions occasionnelles | Réservé aux rapports anaux réceptifs; pas pour expositions vaginales | Recommandé dans populations éligibles |
CAB-LA (injectable) | HPTN 083/084 | IM toutes les 8 semaines | Très efficace, pas de prise orale régulière | Visites régulières, gestion du « long tail », rare résistance en cas d’infection | Recommandé |
TAF/FTC | Études chez HSH/femmes trans | 1 cp/j | Moins d’impact rénal/osseux vs TDF | Non validé pour expositions vaginales; place limitée | Option restreinte selon pays |
Références clés à connaître : OMS (Guidelines 2022), CDC (Clinical Practice Guideline 2024), EACS (Guidelines v12.0 2023), SFLS (recommandations 2024), iPrEx (2010), Partners PrEP (2011), ANRS IPERGAY (2015), HPTN 083/084 (2020-2022). Ces documents et essais encadrent la pratique actuelle.

Checklists, règles simples et décisions rapides
Voici des raccourcis pratiques pour choisir, débuter et éviter les pièges.
Choisir le bon schéma
- Vous avez des expositions sexuelles fréquentes et régulières ? TDF/FTC quotidien ou cabotégravir injectable.
- Vos expositions sont irrégulières, principalement anales (HSH/femmes trans) ? PrEP « à la demande » 2-1-1.
- Vous avez du mal à prendre un comprimé tous les jours ? Cabotégravir injectable toutes les 8 semaines.
- Fonction rénale limite (DFG < 60 mL/min) ? Discutez alternatives (CAB-LA); prudence avec TDF/FTC.
- Exposition vaginale réceptive ? Évitez TAF/FTC ; préférez TDF/FTC quotidien ou CAB-LA.
Bilan initial (avant de démarrer)
- Test VIH de 4e génération récent (et idéalement PCR VIH si symptômes compatibles ou avant injection CAB-LA).
- Créatinine et estimation du DFG (TDF/FTC).
- Sérologies hépatites B et C ; vaccination ou plan de prise en charge si VHB.
- Dépistage des IST (gorge, rectum, urine, sérologies syphilis).
- Chez les personnes pouvant être enceintes : test de grossesse, discussion contraception.
- Revue des traitements en cours pour détecter les interactions (anticoagulants, antiépileptiques, statines, etc.).
Rappels posologiques utiles
- TDF/FTC quotidien : 1 comprimé par jour, idéalement à heure fixe. Effet protecteur optimal après ~7 jours pour le rectum et ~20 jours pour le vagin/cervix.
- PrEP 2-1-1 : 2 cp 2-24 h avant, 1 cp +24 h, 1 cp +48 h. Si rapports sur plusieurs jours, 1 cp/j jusqu’à 48 h après le dernier rapport.
- CAB-LA : 2 injections d’initiation à 1 mois d’intervalle, puis toutes les 8 semaines. Test VIH à chaque visite. L’« oral lead-in » est optionnel selon pratiques locales.
Pièges à éviter
- Confondre PEP et PrEP. La PEP démarre dans les 48-72 h après une exposition et dure 28 jours. La PrEP se prend avant et/ou autour des expositions.
- Sous-estimer les interactions. Même si la PrEP actuelle interagit peu, vérifiez systématiquement les traitements (notamment antiépileptiques et antituberculeux avec CAB-LA).
- Oublier le VHB. TDF/FTC agit sur le VHB. Arrêter brutalement peut déclencher une poussée chez les personnes infectées. Ayez un plan.
- Rater un test VIH. Une infection aiguë passée inaperçue peut entraîner de la résistance (surtout avec CAB-LA). En cas de doute clinique, différer et tester à nouveau.
- Se dire que « plus c’est fort mieux c’est ». Le lopinavir paraît « puissant », mais en prévention, la preuve et la tolérance priment. Sans preuve, on s’abstient.
Règles de pouce
- Si vous pouvez prendre un comprimé chaque jour sans stress : TDF/FTC quotidien fait très bien le job.
- Si vos rapports sont concentrés le week-end : le 2-1-1 est fait pour vous (si vous êtes éligible HSH/femme trans pour des expositions anales).
- Si vous oubliez souvent : CAB-LA vous simplifie la vie, à condition de tenir les rendez-vous d’injection.
- Si vous avez une insuffisance rénale : privilégiez CAB-LA et discutez avec votre soignant.
- Si vous vivez avec une hépatite B chronique : TDF/FTC peut protéger aussi le foie, mais ne stoppez pas sans avis médical.
Pourquoi l’intuition « lopinavir en PrEP » ne fonctionne pas : un focus mécanismes et sécurité
On me pose parfois la question : « Un inhibiteur de protéase, c’est costaud, alors pourquoi pas en PrEP ? » Parce que la prévention n’est pas qu’une histoire de puissance in vitro, c’est une question d’exposer la bonne molécule, au bon endroit, au bon moment, et longtemps, sans nuire.
La protéase intervient tard dans le cycle de réplication du VIH. Pour qu’un inhibiteur de protéase empêche l’établissement d’une infection lors d’une exposition sexuelle, il faudrait des concentrations suffisantes dans les tissus cibles (rectum, vagin, col), de manière continue. Les données historiques du lopinavir montrent une pénétration tissulaire variable et souvent inférieure à ce qu’on observe avec le ténofovir, qui s’accumule très bien dans ces muqueuses. Ce décalage pharmacologique pèse lourd quand on pense prévention.
Côté sécurité, l’équation est défavorable. En PrEP, on traite des personnes séronégatives en bonne santé. Un profil digestif chargé, un risque de dyslipidémie, des interactions médicamenteuses en série, et parfois une atteinte hépatique, ce n’est pas acceptable pour un usage prolongé. À l’inverse, TDF/FTC et cabotégravir ont un profil d’effets indésirables globalement favorable lorsqu’ils sont correctement surveillés (fonction rénale pour TDF/FTC ; tests VIH réguliers et vigilance sur la période de décroissance pour CAB-LA).
Ajoutez à cela l’absence de données d’efficacité et vous avez la recette d’une non-recommandation unanime. Les sociétés savantes ne sont pas frileuses ; elles s’appuient sur des essais. Si demain un essai sérieux montrait que le lopinavir protège en PrEP avec une bonne tolérance, il entrerait dans les recommandations. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Petit rappel historique : en PEP, certains schémas à base de lopinavir/ritonavir ont été utilisés il y a plus de dix ans. Depuis, des études comparatives ont montré une meilleure tolérance et de meilleures adhérences avec des schémas à base d’inhibiteurs d’intégrase. Les lignes directrices ont suivi cette évolution. Quand une discipline bouge loin d’une option en curatif ou en PEP, elle ne la réinvente pas en PrEP sans un signal très fort, qui n’existe pas ici.
FAQ, cas pratiques et prochaines étapes
FAQ express
- Le lopinavir peut-il servir de « plan B » si je ne peux pas prendre du ténofovir ? Non. Si TDF/FTC n’est pas possible (intolérance, rein fragile), discutez le cabotégravir injectable. Le TAF/FTC peut être considéré chez certaines personnes (HSH/femmes trans), mais pas pour les expositions vaginales.
- Et en cas d’allergie confirmée au ténofovir et au cabotégravir ? Cas rare et complexe. Parlez-en avec un infectiologue ; la PrEP peut ne pas être possible tant qu’une alternative validée n’existe pas. Préservatifs, dépistage régulier et PEP restent des filets de sécurité.
- Le lopinavir protège-t-il mieux contre des souches résistantes ? Non démontré. Aucune donnée en PrEP. Miser sur une hypothétique barrière génétique sans essais est risqué.
- Existe-t-il des essais en cours sur le lopinavir en PrEP ? Pas de signaux majeurs répertoriés dans les programmes connus. La recherche se concentre sur d’autres classes (inhibiteurs d’intégrase, anticorps à longue durée d’action).
- La PrEP fait-elle grossir ? Pas avec TDF/FTC. Des données hétérogènes existent avec certains antirétroviraux, mais en PrEP, les variations de poids sont en général modestes. Avec CAB-LA, surveillez surtout la tolérance locale et respectez le calendrier d’injections.
- Pendant la grossesse ? Les sociétés savantes appuient l’usage de TDF/FTC pendant la grossesse et l’allaitement pour les personnes à risque. Pour CAB-LA, les données s’étoffent mais la décision se prend au cas par cas.
Cas pratiques en 3 situations
- Homme ayant des rapports avec des hommes, expositions concentrées le week-end : PrEP 2-1-1 efficace et flexible. Pensez à anticiper la prise des 2 comprimés avant le rapport. Si le rythme devient fréquent, passez au quotidien.
- Jeune femme avec partenaire de statut VIH inconnu, expositions vaginales : TDF/FTC quotidien ou CAB-LA. Évitez TAF/FTC. Bilan VHB et contraception à discuter.
- Patient avec insuffisance rénale modérée et adhérence difficile : CAB-LA est une option solide si les visites bimensuelles sont tenables. Test VIH systématique avant chaque injection.
Prochaines étapes
- Si vous étiez parti pour demander du lopinavir en PrEP, n’insistez pas : proposez TDF/FTC (quotidien ou 2-1-1) ou CAB-LA selon le profil.
- Planifiez un rendez-vous : dépistage VIH, bilan rénal, sérologies VHB/VHC, dépistage IST, évaluation des interactions.
- Éduquez sur les schémas : montrez le 2-1-1 sur un calendrier, ou fixez les dates d’injection CAB-LA dès le départ.
- Organisez les rappels : SMS ou appli pour les prises quotidiennes, carnet d’injection pour CAB-LA.
- Préparez un plan B : en cas d’exposition non couverte, PEP dans les 48-72 h. Pas de lopinavir ; privilégiez des schémas à base d’inhibiteurs d’intégrase.
Dépannage rapide
- J’ai oublié ma prise quotidienne : prenez la dose dès que possible dans la journée. Si l’oubli est fréquent, parlez d’astuces d’observance ou de CAB-LA.
- J’ai raté l’injection CAB-LA : contactez au plus vite le prescripteur. Selon le délai, une injection immédiate et/ou un relais oral temporaire peuvent être nécessaires.
- Symptômes pseudo-grippaux sous PrEP : test VIH rapide et, si doute d’infection aiguë, PCR. Suspendez les injections CAB-LA tant que le doute persiste.
- Douleurs rénales ou baisse du DFG sous TDF/FTC : discutez un switch vers CAB-LA et évaluez d’autres causes rénales.
- Co-infection VHB : ne stoppez jamais TDF/FTC sans plan de relais. Suivi hépatique rapproché.
Message final simple : la PrEP VIH a des standards éprouvés. Le lopinavir n’en fait pas partie. C’est rassurant, car vous avez des options sûres, efficaces et remboursées. Choisissez celle qui s’ajuste à votre vie, testez régulièrement, et gardez un plan clair avec votre soignant.
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