Dimenhydrinate contre les maladies du mouvement dans l'espace : comment ça marche

Florent Delcourt

31 oct. 2025

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Quand un astronaute quitte la Terre, son corps ne sait plus quoi faire. Les signaux de son oreille interne, de ses yeux et de ses muscles se contredisent. Résultat ? Une nausée intense, des vomissements, une transpiration froide. C’est la maladie du mouvement dans l’espace, un problème réel pour les missions spatiales. Depuis les premiers vols, les agences spatiales cherchent un remède fiable. Et l’un des plus utilisés ? Le dimenhydrinate.

Qu’est-ce que le dimenhydrinate ?

Le dimenhydrinate est un médicament antihistaminique, dérivé de la diphenhydramine. Il a été inventé dans les années 1940 pour traiter les vertiges et les nausées causés par les déplacements sur Terre - en voiture, en bateau, en avion. Il agit sur les récepteurs de l’histamine dans le cerveau, plus précisément dans le centre de la nausée, situé dans le tronc cérébral. Ce centre reçoit des signaux contradictoires quand le mouvement ne correspond pas à ce que l’œil voit ou que l’oreille interne détecte. Le dimenhydrinate calme ce centre, comme un interrupteur qu’on éteint.

Il est disponible sous forme de comprimés, de gélules, ou de suppositoires. Chez les astronautes, il est souvent pris sous forme de comprimés à avaler avant le décollage. Sa durée d’action est d’environ 4 à 6 heures, ce qui signifie qu’il faut le reprendre plusieurs fois par jour pendant les premiers jours dans l’espace.

Pourquoi les astronautes en ont-ils besoin ?

Sur Terre, notre cerveau apprend à interpréter les mouvements grâce à la gravité. Dans l’espace, la microgravité bouleverse tout. L’oreille interne, qui détecte la position et les mouvements, envoie des signaux de rotation ou de chute, même quand il n’y a aucun mouvement réel. Les yeux voient un environnement stable, mais le corps ne ressent pas la même chose. Ce déséquilibre sensoriel déclenche une réaction de défense : la nausée.

Environ 70 % des astronautes développent des symptômes de maladie du mouvement au cours des 24 à 72 premières heures en orbite. Certains ne peuvent même pas manger ou dormir. Pendant les missions Apollo, des astronautes ont vomi dans leurs casques, ce qui a créé des risques de suffocation. Sur la Station Spatiale Internationale, les premiers jours sont souvent passés à s’allonger, à éviter les mouvements brusques, et à attendre que le corps s’adapte. Le dimenhydrinate aide à réduire ce temps d’adaptation.

Comment le dimenhydrinate agit-il dans l’espace ?

Le mécanisme est le même qu’ici-bas, mais les effets sont plus critiques. Dans l’espace, les récepteurs H1 du cerveau deviennent hyperactifs à cause du déséquilibre sensoriel. Le dimenhydrinate bloque ces récepteurs, réduisant la transmission des signaux de nausée. Il n’empêche pas la maladie du mouvement - il la calme. Il ne corrige pas la cause, il atténue la réaction.

Contrairement à d’autres médicaments comme le scopolamine, le dimenhydrinate n’affecte pas beaucoup la vigilance. C’est crucial : un astronaute doit rester alerte pour piloter, effectuer des expériences ou réagir à une urgence. Des études menées par la NASA dans les années 1990 ont montré que les astronautes qui prenaient du dimenhydrinate avaient 60 % moins de nausées sévères que ceux qui n’en prenaient pas. Ils pouvaient aussi travailler plus vite, manger plus tôt, et récupérer plus rapidement.

Astronaute prenant une pilule dans la Station Spatiale Internationale, des larmes et des aliments flottants l'entourent.

Les effets secondaires : un prix à payer ?

Le dimenhydrinate n’est pas sans inconvénients. Les effets secondaires les plus courants sont la somnolence, la sécheresse de la bouche, et une légère perte de coordination. Dans l’espace, la somnolence peut être un problème. Un astronaute endormi ne peut pas réagir à un alarme. Pour cette raison, les agences spatiales ont commencé à limiter les doses : 50 mg toutes les 6 à 8 heures, au lieu de 100 mg comme sur Terre.

La sécheresse de la bouche peut aussi poser des problèmes. Dans l’espace, la déshydratation est déjà un risque. Ajouter un médicament qui réduit la salive augmente le risque de caries ou d’infections buccales. Les astronautes doivent boire davantage et utiliser des gels hydratants. Certains rapportent aussi des troubles de la vision ou une confusion légère, surtout après plusieurs jours d’utilisation continue.

Malgré ces effets, le dimenhydrinate reste l’un des rares médicaments qui fonctionne à la fois vite, de manière prévisible, et sans altérer trop la capacité cognitive. Pour les missions de courte durée, c’est le choix le plus sûr.

Et les alternatives ?

Le dimenhydrinate n’est pas le seul traitement. Le scopolamine, sous forme de patch dermique, est aussi utilisé. Il agit plus longtemps - jusqu’à 72 heures - mais cause plus de somnolence et de troubles de la vision. Il est donc moins adapté pour les missions où la réactivité est essentielle.

La méclizine est un autre antihistaminique, plus doux, mais moins efficace pour les cas sévères. La gramine est parfois utilisée en combinaison avec d’autres médicaments, mais son efficacité dans l’espace n’est pas encore bien documentée.

Des approches non médicamenteuses existent aussi : l’adaptation progressive, les exercices de désensibilisation, ou même la stimulation électrique du nerf vague. Mais aucune n’est aussi rapide ou fiable que le dimenhydrinate pour les premières heures en orbite.

Séquence en trois images montrant une astronaute passant de la nausée à la récupération dans l'espace.

Le dimenhydrinate, un pilier des missions spatiales

Depuis les missions Gemini, le dimenhydrinate a sa place dans la trousse médicale de chaque astronaute. Il n’est pas un miracle, mais il est un outil indispensable. Il permet aux astronautes de passer de l’immobilité forcée à l’activité opérationnelle en moins de 24 heures. Sans lui, les missions de courte durée seraient beaucoup plus risquées.

Les nouvelles générations de vaisseaux, comme SpaceX Crew Dragon ou les futurs vaisseaux Artemis vers la Lune, continuent de le prévoir dans leurs kits médicaux. Même si des traitements plus modernes sont en cours d’essai - comme des comprimés à libération contrôlée ou des traitements génétiques - le dimenhydrinate reste le standard. Il est bon marché, stable à température ambiante, et son efficacité est prouvée dans des conditions réelles.

Que réserve l’avenir ?

Les chercheurs travaillent sur des solutions plus ciblées. Certains étudient des médicaments qui agissent directement sur les neurones de l’oreille interne, sans passer par le cerveau. D’autres explorent la réalité virtuelle pour réentraîner le système vestibulaire avant le départ. Mais ces solutions sont encore expérimentales.

Pour le moment, le dimenhydrinate continue de sauver des missions. Il n’est pas parfait, mais il est fiable. Et dans l’espace, où chaque seconde compte, la fiabilité vaut plus que la perfection.

Le dimenhydrinate peut-il être utilisé par les civils pour les nausées en avion ?

Oui, le dimenhydrinate est couramment utilisé pour traiter les nausées liées aux déplacements en avion, en voiture ou en bateau. Il est disponible sans ordonnance dans de nombreux pays. La dose recommandée pour les adultes est généralement de 50 mg, prise 30 à 60 minutes avant le déplacement. Il provoque souvent une somnolence, donc il est déconseillé de conduire ou d’opérer des machines après prise.

Le dimenhydrinate est-il dangereux pour les personnes âgées ?

Chez les personnes âgées, le dimenhydrinate peut augmenter le risque de confusion, de chute ou de rétention urinaire. Les récepteurs H1 deviennent plus sensibles avec l’âge, et le métabolisme du médicament ralentit. Les médecins recommandent souvent des doses plus faibles (25 mg) ou des alternatives comme la méclizine, qui est moins sédatrice. Il est important de consulter un professionnel avant utilisation.

Le dimenhydrinate est-il efficace contre le mal des transports chez les enfants ?

Oui, il peut être utilisé chez les enfants à partir de 2 ans, mais uniquement sous surveillance médicale. La dose est ajustée selon le poids : environ 1 mg par kilogramme de poids corporel, jusqu’à un maximum de 50 mg. Il est déconseillé de l’utiliser chez les enfants de moins de 2 ans en raison du risque de convulsions ou de troubles respiratoires.

Pourquoi les astronautes ne prennent-ils pas de scopolamine en permanence ?

Le scopolamine est très efficace, mais il cause des effets secondaires plus graves : vision floue, sécheresse des yeux, confusion, et parfois des hallucinations. Dans l’espace, où la précision visuelle et la clarté mentale sont vitales, ces effets sont trop risqués. Le scopolamine est réservé aux cas où le dimenhydrinate échoue ou pour les missions de longue durée, avec une surveillance médicale étroite.

Le dimenhydrinate peut-il être pris avec d’autres médicaments ?

Il peut interagir avec d’autres antihistaminiques, des calmants, des antidépresseurs ou des médicaments pour la pression artérielle. En combinaison, ils peuvent augmenter la somnolence ou provoquer des battements cardiaques irréguliers. Les astronautes passent un examen médical complet avant chaque mission pour éviter ces interactions. Sur Terre, il est essentiel de signaler tous les médicaments pris à un pharmacien ou à un médecin.