Quand un astronaute quitte la Terre, son corps ne sait plus quoi faire. Les signaux de son oreille interne, de ses yeux et de ses muscles se contredisent. Résultat ? Une nausée intense, des vomissements, une transpiration froide. C’est la maladie du mouvement dans l’espace, un problème réel pour les missions spatiales. Depuis les premiers vols, les agences spatiales cherchent un remède fiable. Et l’un des plus utilisés ? Le dimenhydrinate.
Qu’est-ce que le dimenhydrinate ?
Le dimenhydrinate est un médicament antihistaminique, dérivé de la diphenhydramine. Il a été inventé dans les années 1940 pour traiter les vertiges et les nausées causés par les déplacements sur Terre - en voiture, en bateau, en avion. Il agit sur les récepteurs de l’histamine dans le cerveau, plus précisément dans le centre de la nausée, situé dans le tronc cérébral. Ce centre reçoit des signaux contradictoires quand le mouvement ne correspond pas à ce que l’œil voit ou que l’oreille interne détecte. Le dimenhydrinate calme ce centre, comme un interrupteur qu’on éteint.
Il est disponible sous forme de comprimés, de gélules, ou de suppositoires. Chez les astronautes, il est souvent pris sous forme de comprimés à avaler avant le décollage. Sa durée d’action est d’environ 4 à 6 heures, ce qui signifie qu’il faut le reprendre plusieurs fois par jour pendant les premiers jours dans l’espace.
Pourquoi les astronautes en ont-ils besoin ?
Sur Terre, notre cerveau apprend à interpréter les mouvements grâce à la gravité. Dans l’espace, la microgravité bouleverse tout. L’oreille interne, qui détecte la position et les mouvements, envoie des signaux de rotation ou de chute, même quand il n’y a aucun mouvement réel. Les yeux voient un environnement stable, mais le corps ne ressent pas la même chose. Ce déséquilibre sensoriel déclenche une réaction de défense : la nausée.
Environ 70 % des astronautes développent des symptômes de maladie du mouvement au cours des 24 à 72 premières heures en orbite. Certains ne peuvent même pas manger ou dormir. Pendant les missions Apollo, des astronautes ont vomi dans leurs casques, ce qui a créé des risques de suffocation. Sur la Station Spatiale Internationale, les premiers jours sont souvent passés à s’allonger, à éviter les mouvements brusques, et à attendre que le corps s’adapte. Le dimenhydrinate aide à réduire ce temps d’adaptation.
Comment le dimenhydrinate agit-il dans l’espace ?
Le mécanisme est le même qu’ici-bas, mais les effets sont plus critiques. Dans l’espace, les récepteurs H1 du cerveau deviennent hyperactifs à cause du déséquilibre sensoriel. Le dimenhydrinate bloque ces récepteurs, réduisant la transmission des signaux de nausée. Il n’empêche pas la maladie du mouvement - il la calme. Il ne corrige pas la cause, il atténue la réaction.
Contrairement à d’autres médicaments comme le scopolamine, le dimenhydrinate n’affecte pas beaucoup la vigilance. C’est crucial : un astronaute doit rester alerte pour piloter, effectuer des expériences ou réagir à une urgence. Des études menées par la NASA dans les années 1990 ont montré que les astronautes qui prenaient du dimenhydrinate avaient 60 % moins de nausées sévères que ceux qui n’en prenaient pas. Ils pouvaient aussi travailler plus vite, manger plus tôt, et récupérer plus rapidement.
Les effets secondaires : un prix à payer ?
Le dimenhydrinate n’est pas sans inconvénients. Les effets secondaires les plus courants sont la somnolence, la sécheresse de la bouche, et une légère perte de coordination. Dans l’espace, la somnolence peut être un problème. Un astronaute endormi ne peut pas réagir à un alarme. Pour cette raison, les agences spatiales ont commencé à limiter les doses : 50 mg toutes les 6 à 8 heures, au lieu de 100 mg comme sur Terre.
La sécheresse de la bouche peut aussi poser des problèmes. Dans l’espace, la déshydratation est déjà un risque. Ajouter un médicament qui réduit la salive augmente le risque de caries ou d’infections buccales. Les astronautes doivent boire davantage et utiliser des gels hydratants. Certains rapportent aussi des troubles de la vision ou une confusion légère, surtout après plusieurs jours d’utilisation continue.
Malgré ces effets, le dimenhydrinate reste l’un des rares médicaments qui fonctionne à la fois vite, de manière prévisible, et sans altérer trop la capacité cognitive. Pour les missions de courte durée, c’est le choix le plus sûr.
Et les alternatives ?
Le dimenhydrinate n’est pas le seul traitement. Le scopolamine, sous forme de patch dermique, est aussi utilisé. Il agit plus longtemps - jusqu’à 72 heures - mais cause plus de somnolence et de troubles de la vision. Il est donc moins adapté pour les missions où la réactivité est essentielle.
La méclizine est un autre antihistaminique, plus doux, mais moins efficace pour les cas sévères. La gramine est parfois utilisée en combinaison avec d’autres médicaments, mais son efficacité dans l’espace n’est pas encore bien documentée.
Des approches non médicamenteuses existent aussi : l’adaptation progressive, les exercices de désensibilisation, ou même la stimulation électrique du nerf vague. Mais aucune n’est aussi rapide ou fiable que le dimenhydrinate pour les premières heures en orbite.
Le dimenhydrinate, un pilier des missions spatiales
Depuis les missions Gemini, le dimenhydrinate a sa place dans la trousse médicale de chaque astronaute. Il n’est pas un miracle, mais il est un outil indispensable. Il permet aux astronautes de passer de l’immobilité forcée à l’activité opérationnelle en moins de 24 heures. Sans lui, les missions de courte durée seraient beaucoup plus risquées.
Les nouvelles générations de vaisseaux, comme SpaceX Crew Dragon ou les futurs vaisseaux Artemis vers la Lune, continuent de le prévoir dans leurs kits médicaux. Même si des traitements plus modernes sont en cours d’essai - comme des comprimés à libération contrôlée ou des traitements génétiques - le dimenhydrinate reste le standard. Il est bon marché, stable à température ambiante, et son efficacité est prouvée dans des conditions réelles.
Que réserve l’avenir ?
Les chercheurs travaillent sur des solutions plus ciblées. Certains étudient des médicaments qui agissent directement sur les neurones de l’oreille interne, sans passer par le cerveau. D’autres explorent la réalité virtuelle pour réentraîner le système vestibulaire avant le départ. Mais ces solutions sont encore expérimentales.
Pour le moment, le dimenhydrinate continue de sauver des missions. Il n’est pas parfait, mais il est fiable. Et dans l’espace, où chaque seconde compte, la fiabilité vaut plus que la perfection.
Le dimenhydrinate peut-il être utilisé par les civils pour les nausées en avion ?
Oui, le dimenhydrinate est couramment utilisé pour traiter les nausées liées aux déplacements en avion, en voiture ou en bateau. Il est disponible sans ordonnance dans de nombreux pays. La dose recommandée pour les adultes est généralement de 50 mg, prise 30 à 60 minutes avant le déplacement. Il provoque souvent une somnolence, donc il est déconseillé de conduire ou d’opérer des machines après prise.
Le dimenhydrinate est-il dangereux pour les personnes âgées ?
Chez les personnes âgées, le dimenhydrinate peut augmenter le risque de confusion, de chute ou de rétention urinaire. Les récepteurs H1 deviennent plus sensibles avec l’âge, et le métabolisme du médicament ralentit. Les médecins recommandent souvent des doses plus faibles (25 mg) ou des alternatives comme la méclizine, qui est moins sédatrice. Il est important de consulter un professionnel avant utilisation.
Le dimenhydrinate est-il efficace contre le mal des transports chez les enfants ?
Oui, il peut être utilisé chez les enfants à partir de 2 ans, mais uniquement sous surveillance médicale. La dose est ajustée selon le poids : environ 1 mg par kilogramme de poids corporel, jusqu’à un maximum de 50 mg. Il est déconseillé de l’utiliser chez les enfants de moins de 2 ans en raison du risque de convulsions ou de troubles respiratoires.
Pourquoi les astronautes ne prennent-ils pas de scopolamine en permanence ?
Le scopolamine est très efficace, mais il cause des effets secondaires plus graves : vision floue, sécheresse des yeux, confusion, et parfois des hallucinations. Dans l’espace, où la précision visuelle et la clarté mentale sont vitales, ces effets sont trop risqués. Le scopolamine est réservé aux cas où le dimenhydrinate échoue ou pour les missions de longue durée, avec une surveillance médicale étroite.
Le dimenhydrinate peut-il être pris avec d’autres médicaments ?
Il peut interagir avec d’autres antihistaminiques, des calmants, des antidépresseurs ou des médicaments pour la pression artérielle. En combinaison, ils peuvent augmenter la somnolence ou provoquer des battements cardiaques irréguliers. Les astronautes passent un examen médical complet avant chaque mission pour éviter ces interactions. Sur Terre, il est essentiel de signaler tous les médicaments pris à un pharmacien ou à un médecin.
12 Commentaires
Vincent Shone
novembre 1 2025
Le dimenhydrinate, c’est le petit soldat oublié de l’exploration spatiale. Personne ne le cite dans les documentaires, pourtant sans lui, les premières heures dans l’espace seraient un cauchemar visqueux. Il bloque pas le déséquilibre sensoriel - il le rend supportable. C’est comme mettre un coussin sous un bruit de fond infernal : tu l’entends toujours, mais tu peux dormir. Et dans l’espace, dormir, c’est déjà gagner. Les astronautes ne sont pas des super-héros, ils sont des humains avec un cerveau qui panique parce que la gravité a fait ses valises. Ce médicament, c’est le réconfort chimique qui leur permet de redevenir des travailleurs, pas des naufragés de leur propre corps. Et oui, il fait somnoler, mais mieux vaut un astronaute un peu pataud qu’un astronaute en train de vomir dans son casque pendant une manœuvre critique. La science spatiale, c’est pas que des fusées et des robots - c’est aussi des comprimés rouges dans une trousse médicale qui sauve des vies. J’adore ce genre de détails. C’est là que la réalité dépasse la fiction.
Gerald Severin Marthe
novembre 2 2025
Franchement, ce que je trouve incroyable, c’est que quelque chose d’aussi simple, d’aussi vieux, d’aussi banal qu’un comprimé de 1940 soit encore le pilier d’une mission spatiale moderne. C’est comme si on utilisait un téléphone à clapet pour commander un vaisseau spatial - mais ça marche. Et ça, c’est beau. Le dimenhydrinate, c’est la preuve que la technologie la plus avancée ne se mesure pas à la puissance de ses moteurs, mais à sa capacité à prendre soin de l’humain dans l’impossible. On va sur la Lune, on explore Mars, et on se repose sur un médicament qui coûte moins de 2 euros. C’est poétique. Et ça me rappelle que dans l’immensité de l’univers, ce qui compte vraiment, c’est ce petit corps humain qui veut juste pas vomir. Bravo, dimenhydrinate. Tu es le héros anonyme de l’espace. 🙌
Lucie Depeige
novembre 3 2025
Donc on envoie des gens dans l’espace… avec un médicament qui les endort pour qu’ils ne vomissent pas. Et on appelle ça de la science ? 😏
Yann Gendrot
novembre 5 2025
Attention, le dimenhydrinate est un antihistaminique de première génération, pas une solution miracle. Les Anglo-Saxons le glorifient, mais en France, on préfère la méclizine ou des approches non pharmacologiques. Ce médicament est un vestige du XXe siècle, pas une innovation. Et puis, 70 % des astronautes en souffrent ? C’est une faiblesse du système d’entraînement, pas un problème médical. On devrait mieux préparer les corps, pas les endormir. Ce n’est pas de la science, c’est de la paresse pharmaceutique.
etienne ah
novembre 6 2025
Le vrai truc, c’est que personne ne parle du fait que le dimenhydrinate, c’est le seul truc qui marche sans faire perdre la tête. Scopolamine ? Tu vois double, tu rêves que tu es un poulpe. Méclizine ? Trop lent. Dimenhydrinate ? Tu t’endors un peu, mais tu peux encore dire ‘Attention, collision !’
Et tu sais quoi ? C’est ça, la vraie ingénierie : pas la plus flashy, mais la plus fiable. Le monde spatial a besoin de ça. Pas de lasers. Pas de nanos. Juste un truc qui marche. Merci, chimie des années 40.
Regine Sapid
novembre 7 2025
Je trouve fascinant que ce médicament, conçu pour les voyages en bateau, soit devenu une clé de l’exploration spatiale. C’est comme si une clé de porte avait ouvert la porte de l’univers. La science est pleine de ces coincidences merveilleuses. Et pourtant, on continue de sous-estimer les solutions simples. Peut-être que l’avenir ne se trouve pas dans des traitements génétiques, mais dans la redécouverte de ce que la nature et la chimie de base nous offrent déjà. Merci pour ce rappel humble et puissant.
Lucie LB
novembre 9 2025
Le dimenhydrinate ? Un remède de pacotille, utilisé parce que les agences spatiales n’ont pas investi dans la recherche neurologique moderne. C’est une solution de fortune, pas une avancée. La somnolence, la sécheresse buccale, les troubles cognitifs : ce sont des compromis inacceptables pour des professionnels de la haute technologie. Ce n’est pas un succès scientifique, c’est un échec de l’innovation. Et le fait qu’on le garde encore, c’est une honte pour la communauté médicale spatiale.
marcel d
novembre 11 2025
Quand j’ai lu que les astronautes vomissaient dans leurs casques pendant Apollo, j’ai eu une image en tête : un homme, flottant dans le vide, en train de rendre ses tripes dans un casque en plastique… et tout ça parce que son cerveau n’arrive pas à comprendre qu’il ne tombe plus. C’est tragique. Et pourtant, c’est humain. Le dimenhydrinate, c’est pas juste un médicament - c’est un acte d’amour. Un geste de la Terre vers ceux qui s’envolent. C’est comme si la planète disait : ‘Je ne peux pas te retenir, mais je peux te protéger, même dans ton propre corps.’
On parle de gravité artificielle, de vaisseaux en rotation, de neurostimulation… mais la vraie magie, c’est ce petit comprimé rouge. Il ne réinvente pas l’espace. Il le rend habitable. Et c’est plus beau que n’importe quel laser.
Monique Ware
novembre 13 2025
Je trouve ça rassurant qu’on n’ait pas besoin de technologies ultra-complexes pour faire face à un problème aussi fondamental. Le dimenhydrinate est un rappel que la santé, même dans l’espace, repose sur des principes simples : calmer le système, réduire la réaction, laisser le corps respirer. Et surtout, ne pas chercher à tout contrôler. Parfois, la solution la plus douce est la plus puissante. Merci pour ce texte qui redonne de la dignité à ce petit comprimé.
Simon Moulin
novembre 14 2025
Je me demande si les astronautes ont un rituel avant de le prendre. Un petit moment de silence. Une prière. Un ‘merci pour ce comprimé qui va me permettre de ne pas faire une connerie en flottant’. Parce que c’est ça, en fin de compte : ce n’est pas une question de science, c’est une question de confiance. Confiance dans le corps. Confiance dans le médicament. Confiance dans le fait qu’on a fait les choses bien, même les petites.
Alexis Bongo
novembre 15 2025
Je tiens à souligner, avec la plus grande rigueur scientifique et le respect dû à l’excellence française en pharmacologie, que le dimenhydrinate, bien qu’efficace, présente un profil pharmacocinétique moins optimal que la méclizine, dont la demi-vie est plus stable et les effets secondaires neurocognitifs plus faibles. Il est donc regrettable que les agences spatiales, en particulier américaines, persistent dans un choix archaïque. Une révision des protocoles médicaux spatiaux est impérative pour aligner les pratiques sur les avancées récentes de la neuropharmacologie. La France, avec ses laboratoires de pointe, devrait porter cette voix. 🇫🇷💊
Étienne Chouard
octobre 31 2025
Je l’ai pris en avion une fois… j’ai dormi 12 heures d’un coup. Réveillé avec la bouche en coton et une envie de pleurer. Bon, au moins j’ai pas vomi. 😅